Des chercheurs du Douglas identifient le premier gène en cause dans le développement du cerveau adolescent qui pourrait jouer un rôle dans la vulnérabilité sur le plan de la santé mentale
17-12-2013
Comme le confirment souvent les récits de parents d’adultes présentant des troubles mentaux, les premiers symptômes d’un « comportement un peu curieux » apparaissent dans les années d’adolescence. On sait maintenant qu’au cours de cette phase du développement du cerveau, les adolescents sont particulièrement vulnérables aux troubles psychiatriques, notamment la schizophrénie, la dépression et les toxicomanies.
Des chercheurs du Centre de recherche de l’Institut Douglas, affilié à l’Université McGill, ont isolé un gène, le DCC, qui est responsable de la connexion dopaminergique dans le cortex préfrontal médian au cours de l’adolescence. En travaillant avec des souris dont on a modifié les niveaux d’expression du DCC, ils ont établi qu’un dysfonctionnement de ce gène au cours de l’adolescence entraîne des conséquences comportementales à l’âge adulte.
La présente percée fournit les premiers indices qui pourraient mener à une meilleure compréhension de cette période cruciale du développement du cerveau. Certains troubles peuvent être reliés à des altérations du fonctionnement du cortex préfrontal et à des modifications de l’activité de la dopamine, une substance chimique cérébrale. La circuiterie du cortex préfrontal continue de se développer jusqu’au début de l’âge adulte, par des mécanismes qui nous étaient jusqu’ici totalement inconnus.
Les chercheurs espèrent que cette découverte ouvrira éventuellement de nouvelles pistes en matière de prévention et de traitement. Dans le milieu psychiatrique, il y a un consensus sur le fait qu’une thérapie et un soutien précoces à l’adolescence, dès l’apparition d’un premier problème de santé mentale, offrent des perspectives considérablement meilleures de résultats thérapeutiques favorables et de santé au cours de la vie adulte.
Des variations même subtiles du DCC pendant l’adolescence produisent des modifications significatives dans le fonctionnement du cortex préfrontal plus tard dans la vie. Pour déterminer si les conclusions de cette recherche fondamentale sont transposables aux sujets humains, les chercheurs ont examiné l’expression du DCC dans le cerveau de personnes qui se sont suicidées. Fait étonnant, ces cerveaux présentaient des niveaux d’expression du DCC plus élevés, de quelque 48 pour cent supérieurs à ceux des sujets de contrôle.
Le cortex préfrontal est associé au jugement
«Le cortex préfrontal est associé au jugement, à la prise de décision et à la flexibilité mentale, soit la capacité de modifier ses plans en face d’un obstacle», explique Cecilia Flores, Ph.D., professeure agrégée au département de psychiatrie de l’Université McGill et auteure principale de la recherche. «Son fonctionnement est important pour l’apprentissage, la motivation et les processus cognitifs. Étant donné que le cortex préfrontal se développe sur une longue période qui s’étend jusqu’à l’âge adulte, cette région est particulièrement malléable aux expériences de la vie dans l’adolescence, comme le stress et les toxicomanies. Ces modifications dans le développement du cortex préfrontal peuvent entraîner des conséquences à long terme plus tard dans la vie.»
L’espoir d’inverser le cours d’une maladie
L’identification de la première molécule en cause dans le mode de maturation du système dopaminergique préfrontal donne maintenant aux chercheurs en psychiatrie une cible pour poursuivre la recherche et, à terme, pour élaborer des thérapies pharmacologiques et d’autres traitements. «Nous savons que le gène DCC peut être modifié par les expériences de l’adolescence», dit Cecilia Flores. «Voilà qui nous donne d’emblée un espoir, du fait que la thérapie, et notamment le soutien social, sont eux-mêmes une expérience susceptible de modifier le fonctionnement du gène DCC au cours de cette phase critique et, peut-être, de réduire la vulnérabilité à la maladie.»
Cette découverte est rapportée dans la revue Translational Psychiatry. La première auteure de l’article est Colleen Manitt, Ph.D. Cecilia Flores, chercheuse principale, dispose d’un laboratoire au Centre de recherche de l’Institut Douglas, qui est associé à l’Université McGill. Elle étudie, aux niveaux cellulaire et moléculaire, les anomalies du cerveau qui contribuent aux comportements associés à la schizophrénie et à la toxicomanie. Elle étudie plus précisément les dysfonctionnements du système dopaminergique du cerveau.
Financement de l’étude
Ce travail est financé par des subventions des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et du Fonds de recherche du Québec — Santé (FRQS).
Auteurs du Centre de recherche de l’Institut Douglas
- Colleen Manitt, Ph.D., première auteure
- Cecilia Flores, Ph.D., auteure principale
- Tak Pan Wong, Ph.D.
- Dr Gustavo Turecki
- Bruno Giros, Ph.D.
Collaborations
- Dr Eric Nestler, Mount Sinai, États-Unis
- Helen Cooper, Ph.D., The University of Queensland, Australie
- Jeroen Pasterkamp, Ph.D., Centre médical universitaire d’Utrecht, Pays-Bas
- Paul Krimpenfort, Ph.D., Institut du cancer des Pays-Bas, Pays-Bas
- Bryan Kolb, Ph.D., Centre canadien de neurosciences du comportement, Canada
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