01-09-2005
Qu'est-ce que nous visualisons lorsque nous pensons au trouble de stress post-traumatique (TSPT)? Le plus souvent, c’est un soldat américain en tenue de combat, incapable d’oublier les bruits et les images associés à la guerre du Vietnam. Alain Brunet, Ph.D., du Centre de recherche de l’Hôpital Douglas, vous dira cependant que le TSPT n’est pas propre aux militaires. En effet, il peut également toucher des victimes d’accidents de la route, des pompiers, des policiers, des ambulanciers et des victimes de crimes (p. ex., violence physique ou sexuelle, agression, vol, cambriolage, enfant ayant été agressé sexuellement, etc.). Il suffit même à certaines personnes d’avoir été témoins de tels actes pour souffrir de TSPT.
Les personnes souffrant du TSPT ont généralement des souvenirs pénibles récurrents et des flashbacks, ou font des cauchemars à propos d’un événement donné. Par ailleurs, il leur arrive d’occulter certains éléments liés à cet événement, d’afficher une profonde détresse psychologique et d’avoir certaines réactions physiologiques, par exemple une augmentation du rythme cardiaque et des palpitations, la transpiration et les crises de panique, lorsqu’elles se trouvent dans des situations qui leur rappellent le traumatisme subi. C’est pourquoi ces personnes oublient souvent tout ce qui pourrait leur rappeler l’événement. En outre, de tels symptômes conduisent souvent à des problèmes de comportement en société ou en relation, surtout lorsque le traumatisme était lié au fait que des êtres humains ont fait du mal à d’autres êtres humains.
Après avoir effectué de nombreuses recherches, M. Brunet a conclu qu’il était normal d’afficher les symptômes du TSPT durant les jours et les semaines suivant l’événement traumatisant qu’on a vécu. La différence tient au fait que, chez certaines personnes, ces symptômes persistent ou deviennent chroniques.
Jusqu’à maintenant, les personnes qui étudient le TSPT ont toujours cherché à savoir pourquoi quelqu’un peut développer ce trouble en adoptant une approche rétrospective, c’est-à-dire en étudiant le cas des personnes qui souffrent de TSPT depuis longtemps, comme les anciens combattants de la guerre du Vietnam ou les survivants de l’holocauste. Cette approche nous éclaire bien peu à propos de la grande majorité des personnes concernées, à savoir celles qui surmontent leurs symptômes du TSPT et reprennent une vie normale. De son côté, M. Brunet veut savoir pourquoi et comment les gens guérissent. Avec son équipe, il suit des personnes ayant subi un traumatisme (dès le moment où elles sont admises en salle d’urgence) pendant une période d’un an, dans l’espoir de découvrir les facteurs d’identification qui sont présents avant, pendant et après le traumatisme, et susceptibles de faciliter la guérison.
Prévenir l’apparition du TSPT
Selon Alain Brunet, le TSPT est un trouble défini par une interaction à la fois complexe et dynamique entre des facteurs psychologiques, environnementaux, hormonaux et neurobiologiques. Dans le cadre de ses recherches, il examine donc chacun de ces éléments. Par exemple, il a élaboré un programme d’intervention précoce visant à prévenir l’apparition du TSPT chez les personnes ayant subi un traumatisme, en mettant à profit sa formation de psychologue-clinicien. Son programme a été couronné de succès, contrairement aux méthodes qu’on applique actuellement pour la prévention du TSPT. En fait, à ce jour, l’approche psychologique adoptée par M. Brunet (qui fait intervenir une infirmière spécialement formée et un des proches de la personne ayant survécu au traumatisme) est la seule à avoir fait l’objet de critiques élogieuses dans les documents scientifiques consacrés au TSPT.
Pour examiner les aspects plus biologiques du TSPT liés au processus de guérison, M. Brunet s’appuie sur une évaluation des niveaux hormonaux, la pharmacothérapie et des techniques élaborées de neuro-imagerie, comme l’imagerie par résonance magnétique (IRM), qui permet d’examiner l’intérieur du cerveau. Selon M. Brunet, il est justifié d’utiliser de tels outils parce que, face à un événement traumatisant, nous avons une réaction hormonale en deux phases, qui nous permet de gérer efficacement une situation menaçante. La première phase se traduit par la sécrétion rapide d’adrénaline. La deuxième, plus lente, se traduit par la sécrétion d’une hormone associée au stress, le cortisol.
Ces deux hormones préparent le corps à « combattre ou occulter » la situation, en causant des réactions comme une accélération du rythme cardiaque et de la respiration, et une augmentation du débit sanguin en direction des muscles. Ces hormones jouent un autre rôle important : elles nous aident à nous souvenir de l’événement avec précision, capacité cognitive qui semble faciliter la survie de l’espèce. Par exemple, il aurait sûrement été important que nos ancêtres se souviennent des événements qui ont conduit à une attaque de chats des cavernes! En ce qui concerne le TSPT, il est possible que cette amélioration adaptative de notre mémoire émotionnelle soit quelque peu exagérée, au point que les souvenirs liés au traumatisme ne puissent être occultés.
En collaboration avec un groupe de chercheurs français dirigé par Guillaume Vaiva, M.D., Ph.D., Alain Brunet a entrepris d’étudier cette question, et administré un médicament qui bloque la production d’adrénaline chez les personnes ayant subi un traumatisme entre deux et vingt heures après qu’elles ont été amenées aux urgences. Les résultats de ces recherches ont montré que le nombre de cas de TSPT était plus élevé au sein du groupe qui n’avait pas pris ce médicament après avoir vécu un traumatisme que parmi ceux qui l’avaient pris.
Quel rôle joue le cortisol dans le cadre du TSPT? Comme on l’a mentionné précédemment, les personnes souffrant de TSPT ont tendance à perdre la mémoire ou à occulter certains aspects de l’événement. En général, le cortisol est bon pour la mémoire et pour les structures cérébrales qui traitent les souvenirs, comme l’hippocampe. Il est intéressant de souligner que les personnes souffrant de TSPT depuis longtemps ont presque toujours un hippocampe plus petit et un niveau de cortisol moins élevé. Mais il existe deux théories à ce sujet. Est-ce que le fait d’avoir un hippocampe plus petit et de produire moins de cortisol est une conséquence du traumatisme subi, ou est-ce que les personnes souffrant de TSPT ont un hippocampe plus petit et produisent moins de cortisol? M. Brunet et son équipe ont peut-être aidé à faire la lumière sur cette question. Premièrement, en adoptant leur approche prospective, qui consiste à suivre les personnes ayant subi un traumatisme durant les heures qui suivent leur arrivée en salle d’urgence, ils ont pu démontrer que, quatre mois et cinq jours après avoir vécu un traumatisme, les personnes qui affichent le niveau de TSPT le plus élevé produisaient déjà moins de cortisol que celles qui guérissent ou n’ont aucun symptôme du TSPT. En fait, M. Brunet a montré que le niveau peu élevé de cortisol observé au début de l’étude permettait de déterminer si une personne allait ou pas souffrir de TSPT chronique. Les résultats de ses recherches appuient donc la théorie selon laquelle la faible production de cortisol pourrait bien être l’un des facteurs pré-existants chez les personnes souffrant de TSPT, et non le résultat de dommages subis avec le temps.
M. Brunet et son équipe espèrent tirer les mêmes conclusions à propos du volume hippocampique. C’est pourquoi, à l’aide de l’IRM, ils suivent pendant un an un groupe de personnes ayant subi un traumatisme, afin de déterminer si le volume de leur hippocampe change avec le temps. À en juger par les résultats des travaux de son collègue Roger K. Pitman, M.D., de la Harvard Medical School, les études sophistiquées menées par M. Brunet vont sûrement clarifier un domaine de recherche assez complexe.
M. Pitman donne une conférence au Centre de recherche de l’Hôpital Douglas le 10 juin 2004. Il présente les conclusions d’une étude approfondie consacrée aux anciens combattants du Vietnam. Il a examiné des jumeaux identiques, dont l’un avait servi au Vietnam et l’autre, non. Certains des anciens combattants ayant participé à cette étude souffrent de TSPT chronique. M. Pitman a constaté que les personnes ayant combattu au Vietnam qui souffrent de TSPT ont un hippocampe plus petit que celles qui ne souffrent pas de TSPT. Il est intéressant de souligner que c’était également le cas du jumeau identique qui n’avait pas combattu au Vietnam. En d’autres termes, dans la mesure où des jumeaux identiques sont censés avoir la même physiologie, il semble que le soldat est parti au Vietnam avec un hippocampe qui était déjà plus petit. Ainsi, un plus petit hippocampe peut être un facteur précurseur du TSPT.
Grâce à son approche multidisciplinaire innovatrice de l’étude du TSPT, Alain Brunet, qui s’est vu récemment décerner le prix Heinz Lehman 2004 qui récompense les jeunes chercheurs, va sûrement nous permettre de mieux connaître les secrets du TSPT, et apporter une contribution non négligeable à l’élaboration de nouveaux traitements de ce syndrome. Étant donné que le taux de criminalité augmente et qu’un grand nombre de militaires nord-américains sont déployés au Moyen-Orient, des études comme celles qu’effectuent MM. Pitman et Brunet vont sans aucun doute produire des résultats tout à fait bienvenus.
Par Tania Elaine Schramek