Première étude canadienne sur la santé mentale dans les forces armées et les obstacles à l’efficacité des moyens d’aide
14-02-2008
Les troubles mentaux, qui vont de la dépression à l’alcoolisme, doivent être démystifiés au sein du personnel militaire pour encourager les personnes dans le besoin à solliciter de l’aide : c’est ce que conclut une étude nationale publiée dans le numéro de février de la revue scientifique Medical Care.
«Les résultats révèlent que plus de la moitié des militaires aux prises avec un trouble mental n’utilisent pas les services de santé mentale qui leur sont offerts» précise Deniz Fikretoglu, auteure principale de l’étude. Cette spécialiste du syndrome de stress post traumatique est boursière au niveau postdoctoral de l’Université McGill et de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas.Il s’agit de la première étude épidémiologique nationale d’une durée de douze mois sur la santé mentale des militaires en service actif. Elle a été réalisée conjointement par des chercheurs du Douglas, affilié à l’Université McGill, de l’Université de Montréal, de l’Université Dalhousie et de l’Université de l'Île-du-Prince-Édouard. L’équipe a utilisé des données compilées par Statistique Canada à l’aide d’un questionnaire conçu par le ministère de la Défense du Canada.
Les résultats sont représentatifs de la situation nationale puisque l’étude portait sur un échantillon de 8 441 soldats canadiens, sur un total d’environ 57 000 militaires à temps plein et de 24 000 réservistes. Les soldats ont répondu à des questions liées à de nombreux troubles mentaux et tirées du Composite International Diagnostic Interview, un questionnaire de l’Organisation mondiale de la Santé. L’étude a permis d’établir qu’au cours d’une année, 1 220 d’entre eux répondaient aux critères d’au moins un trouble mental. La dépression, la dépendance à l’alcool et la phobie sociale sont les problèmes les plus répandus mais d’autres troubles tel que le stress post traumatique sont également courants.
La réticence à solliciter de l’aide pour des troubles mentaux
«C’est la première étude qui vise à évaluer systématiquement les taux de maladie mentale et les obstacles qui empêchent les militaires à chercher de l’aide», explique Stéphane Guay, professeur de criminologie à l’Université de Montréal et directeur du Centre d’étude du trauma du Centre de recherche Fernand-Seguin de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine.
M. Guay indique que les militaires aux prises avec des troubles mentaux étaient réticents à solliciter de l’aide pour diverses raisons. « Le refus d’admettre un quelconque besoin d’aide et le manque de confiance envers les services administratifs militaires de santé et de soutien social constituent les obstacles les plus importants », précise M. Guay, avant d’ajouter que l’étude avait révélé d’autres obstacles, comme la conviction qu’un trouble n’est que temporaire ou encore l’incapacité à identifier un problème de santé mentale.
«Les troubles mentaux sont à l’origine de taux d’attrition élevés, ce qui entraîne d’importantes conséquences économiques pour les organismes militaires » dit Deniz Fikretoglu. « Il est possible d’en réduire le fardeau en prenant des mesures pour s’assurer que les militaires aux prises avec un trouble de santé mentale sollicitent des soins appropriés en temps opportun.»
Alain Brunet, co-auteur de l’étude et chercheur d’expérience à l’Institut Douglas, souligne que les militaires devaient être encouragés à utiliser les services de santé mentale dont ils ont besoin – encore plus dans les cas où ils ont accompli leur devoir dans des pays déchirés par la guerre. «Les résultats de notre étude révèlent que les institutions militaires devraient continuer à mener des campagnes d’éducation pour démystifier les problèmes de santé mentale et apporter les changements nécessaires aux systèmes de prestation des soins afin de gagner la confiance des militaires», ajoute M. Brunet.
L’auteure principale de cette étude a bénéficié d’un soutien de la part d’Anciens Combattants Canada et des Instituts de recherche en santé du Canada.