08-04-2005

« Le pays venait d'être dévasté par une guerre civile ayant duré 30 ans. Il y avait eu 300 000 morts et des centaines de milliers de disparus. Il était évident qu'on avait du pain sur la planche. Le problème c'est que de nombreux survivants, dont beaucoup d'enfants, souffraient du syndrome de stress post-traumatique. Ils étaient agités, avaient du mal à se concentrer et souffraient d'insomnie. »
- Gaston P. Harnois

En 1994, l'Organisation mondiale de la Santé a demandé au Centre collaborateur de prêter assistance au Guatemala en matière de santé mentale. « Notre plus grand défi, explique le Dr Harnois, consistait à trouver le moyen de les aider à utiliser leurs propres forces pour faire face aux conséquences de la guerre qui a exacerbé les problèmes de violence, d'alcoolisme et de drogues, tout en respectant leur culture. La population autochtone maya, qui vit en majeure partie dans la pauvreté et qui représente 60% de la population du Guatemala, était particulièrement touchée par ce type de problèmes".


Une vision « cosmique » de la guérison
Afin d'évaluer le travail déjà enclenché en matière de santé mentale, le Dr Harnois est resté un certain temps avec des guérisseurs mayas puisque ce sont eux qui soignent généralement les maladies tant physiques que mentales. La médecine maya classe tous les maux selon six catégories. À chaque catégorie correspondent un traitement spécifique, typiquement culturel, et une couleur donnée. Une fois le diagnostic établi selon le code de couleur, le guérisseur utilise une panoplie de traitements, une approche multidisciplinaire, si l'on veut. D'abord, il donne des conseils au patient et à ses proches. Puis, il peut prescrire des médicaments fabriqués à base de plantes locales que l'on trouve pour 1,50 $ dans les pharmacies locales. Dans certains cas, il peut également faire appel à des prêtres mayas, qui organiseront une cérémonie rituelle en l'honneur de la santé et du bien-être.

« Nous avons eu l'honneur d'être invités à l'une de ces cérémonies, la consultante principale Karen Hetherington et moi, » explique le Dr Harnois. « La cérémonie a commencé à 4 heures du matin et a duré plusieurs heures. Les prêtres invoquaient les dieux, la nature et leurs ancêtres, à l'aide de prières et d'encens, et leur demandaient de nous bénir. C'était très reposant et empreint de sérénité. Nous avons été impressionnés par leur vision cosmique de la guérison. »

À la défense des jupes colorées
Au cours de leurs visites au fil des ans, Dr Harnois et son personnel ont également travaillé à améliorer les conditions de vie dans le seul hôpital psychiatrique du Guatemala. Ils ont proposé de petits changements qui n'allaient pas être sans importance.

L'un de ces changements concernait le code vestimentaire des patientes autochtones de l'hôpital. Au Guatemala, les femmes mayas proviennent de différentes tribus et, selon leur région d'origine, elles portent des jupes aux couleurs et aux dessins différents. Cette tradition en est venue à faire partie de leur identité culturelle.

Lorsque le Dr Harnois a vu que ces patientes passaient leurs journées en pyjamas d'hôpital, il a convaincu les autorités hospitalières de les laisser porter leurs vêtements traditionnels, d'une part, par respect pour leur héritage culturel et, d'autre part, pour les encourager à s'identifier en premier comme personne plutôt que comme patiente.

Dr Harnois essaie actuellement d'encourager l'hôpital à mettre sur pied des cliniques satellites dans les villes voisines pour que les gens puissent être soignés dans un environnement plus accueillant et plus près de leur domicile.

Des représentants mayas à Montréal
En reconnaissance du respect et de la sensibilité dont a fait preuve l'équipe du Centre collaborateur envers la communauté maya et ses méthodes traditionnelles et en remerciement pour son aide, trois guérisseurs ont accepté de venir à Montréal en 2003. Lors d'une soirée organisée au CLSC des Faubourgs, ils ont présenté à 125 spectateurs fascinés un vidéo tourné dans leur communauté et ont ensuite rencontré des professionnels de la santé et noué des liens personnels.

Quand les gouttes d'eau forment des rivières
Aujourd'hui, les choses ont bien changé au Guatemala:

  • Le nouveau sous-ministre de la Santé est un médecin d'origine maya qui comprend mieux que ses prédécesseurs l'importance de la culture traditionnelle maya et de sa médecine.
  • L'hôpital psychiatrique national ne reçoit plus que 81% du budget accordé à la santé mentale, comparativement aux 91% qu'il accaparait il y a dix ans.
  • Les guérisseurs et les prestataires de soins de santé sont plus réceptifs aux recommandations du Centre, qui prône une plus grande sensibilisation de leur collectivité aux problèmes de santé mentale.

Bref, grâce au travail d'équipe mené avec la communauté, les membres de l'Organisation mondiale de la Santé, l'ambassade du Canada et les ONG locales (Médicos Descalzos), le système de santé du Guatemala s'est amélioré de façon significative dans le domaine de la santé mentale.

« Je voudrais remercier mes anciens collègues du Centre collaborateur, tout comme ceux d'aujourd'hui, grâce à qui ce projet a été un succès », conclut le Dr Harnois. « Comme moi, ils et elles croient en l'importance des petits changements. Leur volonté et leur talent à y parvenir m'impressionnent beaucoup.»


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