Donnez-nous un exemple de nouveau traitement à l’étude pour soigner les troubles bipolaires.
Le BNDF est une protéine encodée par un gène du corps humain. Des chercheurs de l'Université Yale ont placé du BNDF directement dans le cerveau de rats déprimés, ce qui eu pour effet d’éliminer leurs symptômes dépressifs en 48 heures. Le BNDF joue par conséquent un rôle évident dans cette amélioration. Le problème c'est qu'il faut d'abord développer un médicament capable de résister à l’acidité de l’estomac, d’être absorbé correctement et de franchir la barrière hématoencéphalique, la barrière qui sépare les vaisseaux sanguins et le cerveau.
Malheureusement, le BNDF est une protéine de petite taille et à chaque fois que des chimistes tentent d’implanter ces molécules dans un corps soluble en milieu adipeux (parce que l’environnement cérébral est très gras), ils doivent les modifier et elles deviennent toxiques pour le foie. Les connaissances sur le BNDF sont en constante évolution.
-Serge Beaulieu, Ph.D., École Mini-Psy, 2009
Une fois que l’on a diagnostiqué un trouble bipolaire à un patient et qu‘on lui a administré les bons médicaments, à quel moment doit-on entamer une psychothérapie, une thérapie familial ou même commencer des séances de méditation?
Ce que je dis souvent à mes patients qui traversent une dépression est qu’il est très difficile d’entreprendre une psychothérapie alors qu'ils ne peuvent se concentrer. Ils sont fatigués ou manquent leurs rendez-vous. Nous préférons que les personnes soient au moins capables de coopérer au processus de la psychothérapie lorsque nous la démarrons.
En quoi consiste ce processus de psychothérapie? Il varie pour chaque individu et dépend du problème de chacun d’eux. Les troubles bipolaires varient d’une personne à l'autre. Ils dépendent de leur vécu, de leurs expériences et de toute sorte de choses. Nous devons parfois traiter un autre trouble. Un patient atteint d’un trouble bipolaire a 35 fois plus de chances de présenter des troubles anxieux ou un trouble obsessif compulsif pendant au moins un an de sa vie qu’un individu moyen. Parfois, nous rencontrons certaines personnes atteintes de troubles bipolaires et de troubles de stress post traumatique. Ils peuvent aussi être dépendants à la cocaïne, à l'alcool ou autre, et nous devons traiter tous ces troubles en même temps. On ne leur demande pas de régler d’abord leur problème d’alcoolisme et de revenir nous voir ensuite. Cette époque est révolue, nous ne procédons plus de la sorte. Nous traitons tous les troubles en même temps. Le temps est donc un aspect critique mais nous préférons avoir une sorte de stabilité avant de débuter la psychothérapie.
Nous faisons également de la psychoéducation. Les résultats obtenus au cours d’études se sont montrés satisfaisants et nous sollicitons actuellement des financements pour transférer ces techniques dans les CLSC. Nous pourrons ensuite concentrer nos efforts sur des démarches novatrices telles que la TCPC. Nous entreprendrons davantage de recherches et d’autres personnes bénéficieront de la psychoéducation. C’est notre objectif.
-Serge Beaulieu, Ph.D., École Mini-Psy, 2009
Est-il vrai que la thérapie basée sur la pleine conscience et la méditation a été utilisée comme traitement contre les troubles bipolaires?
Zindel Segal est l’auteur d’ouvrages sur la thérapie basée sur la pleine conscience (mindfulness) et la méditation, et est l’un des trois auteurs à avoir mis au point cette technique. Kabat-Zinn est biologiste et la thérapie que nous utilisons au Douglas est fondée sur la technique qu’il a élaborée. Elle se nomme thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (TCPC). Elle s’inspire d’une étude réalisée par Zindel et ses collaborateurs qui a montré que la TCPC permet, chez des patients qui ont traversé trois épisodes dépressifs graves au cours de leur vie et qui les ont surmonté, de stabiliser leur état et de prévenir une rechute. Toutefois, cette thérapie ne fonctionne pas chez les patients qui n’ont connu qu’un seul épisode de dépression grave, c’est-à-dire qu’elle ne retardera pas l’apparition d’un nouvel épisode.
C'est la première fois que je vois une thérapie quasiment conçue pour des patients plus malades. C’est pour quoi nous concentrons nos recherches sur cette technique. Nous devons poursuivre notre travail et trouver des données pilotes sur la TCPC afin d’obtenir du financement. L’étude n’est pas réalisée en aveugle car il s’agit d’un projet pilote et nous souhaitons comprendre comment cette thérapie fonctionne, quels types de problèmes se posent, si les gens viennent à toutes les séances et s’ils appliquent les principes de la TCPC. Si nous obtenons le financement, l’étude devrait durer au moins quatre ou cinq ans pour réunir les données nécessaires pour vérifier l’efficacité du TCPC.
-Serge Beaulieu, Ph.D., École Mini-Psy, 2009
Que pensez-vous du potentiel du tryptophane pour traiter la dépression bipolaire?
Le tryptophane n’a pas fait l'objet d’études poussées en tant que traitement indépendant contre la dépression ou la dépression bipolaire, mais plutôt comme complément à des antidépresseurs et à d’autres agents en vue de stabiliser et d’améliorer l’humeur.
Simon Young de l’Université McGill a démontré qu’il était possible, en supprimant le tryptophane de l’alimentation des gens pendant 24 heures, de déclencher des symptômes dépressifs. Le trytophane joue donc un rôle évident dans ces modifications.
Aujourd’hui, le tryptophane nous est apporté par notre alimentation. Ainsi, en mangeant correctement - et sauf problème d’absorption des protéines et des acides aminés - votre système devrait disposer de suffisamment de tryptophane pour produire assez de sérotonine pour votre cerveau. Il serait par conséquent surprenant que le tryptophane serve seul de traitement contre la dépression. Toutefois, il peut être envisagé en complément.
-Serge Beaulieu, Ph.D., École Mini-Psy, 2009
Qu’est-ce que la psychoéducation et comment est-elle utilisée pour traiter les troubles bipolaires?
La psychoéducation consiste à responsabiliser le patient, à lui apprendre ce qu’est sa maladie ainsi que la manière dont il peut contribuer à améliorer son traitement. Lorsque l’on vous diagnostique un diabète par exemple, vous devez aller voir une infirmière qui vous apprendra à manger correctement, à contrôler le niveau de sucre dans votre sang, à vous injecter de l'insuline au besoin, etc. C’est de la psychoéducation et c’est le principe de traitement de tout trouble chronique.
Les troubles bipolaires sont des troubles chroniques. Nous sommes en mesure de traiter le premier épisode, le deuxième, etc., mais si vous ne suivez pas le traitement, ils réapparaîtront. Et les traitements ne sont pas non plus infaillibles. Les patients doivent donc pouvoir être capables de me dire : « Dr Beaulieu, nous devons nous voir parce que je ne me sens pas très bien ». Ils doivent être en mesure de s’apercevoir de cela pour eux-mêmes.
-Serge Beaulieu, Ph.D., École Mini-Psy, 2009
Une personne atteinte d'un trouble bipolaire pourra-t-elle cesser de prendre du lithium un jour?
Non, car cette personne risque de rechuter. Il se peut qu'elle ne rechute pas, mais les études existantes montrent que la plupart des gens rechuteront.
-Joseph Rochford, École Mini-Psy 2009