Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal
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Réponses d'experts
Troubles bipolaires

Donnez-nous un exemple de nouveau traitement à l’étude pour soigner les troubles bipolaires.

Le BNDF est une protéine encodée par un gène du corps humain. Des chercheurs de l'Université Yale ont placé du BNDF directement dans le cerveau de rats déprimés, ce qui eu pour effet d’éliminer leurs symptômes dépressifs en 48 heures. Le BNDF joue par conséquent un rôle évident dans cette amélioration. Le problème c'est qu'il faut d'abord développer un médicament capable de résister à l’acidité de l’estomac, d’être absorbé correctement et de franchir la barrière hématoencéphalique, la barrière qui sépare les vaisseaux sanguins et le cerveau.

Malheureusement, le BNDF est une protéine de petite taille et à chaque fois que des chimistes tentent d’implanter ces molécules dans un corps soluble en milieu adipeux (parce que l’environnement cérébral est très gras), ils doivent les modifier et elles deviennent toxiques pour le foie. Les connaissances sur le BNDF sont en constante évolution.

-Serge Beaulieu, Ph.D., École Mini-Psy, 2009
 

Quelle est la relation entre la consommation de marijuana et les troubles bipolaires?

La marijuana peut provoquer anxiété et dépression, mais le sevrage aussi. L’autre mauvais côté de la marijuana est qu’elle peut agir comme un déclencheur chez les personnes plus susceptibles de développer une psychose. Enfin , un autre problème est que les gens pensent souvent que la marijuana qu’ils consomment est de qualité. Mais ils en supportent mal les effets, se rendent aux urgences, effectuent un examen d’urine et trouvent du PCP (ou poussière d’ange) dans leur système. Cette drogue peut déclencher de nombreuses hallucinations. La marijuana est également mélangée à des amphétamines, de la cocaïne et toute sorte de choses.

Il est compliqué de répondre à cette question. La marijuana peut-elle déclencher un épisode de trouble bipolaire chez une personne qui y est prédisposée pour des raisons génétiques, etc.? Il ne fait aucun doute qu’elle serait un facteur déclencheur. Il existe un autre facteur, un facteur environnemental, qui accélèrerait le processus. En fait, nos gènes interagissent avec l’environnement. Si l’un de ces gènes vous prédisposent au développement des troubles bipolaires mais que vous faites très attention pour contrôler votre niveau de stress, que vous vous assurez de bien dormir la nuit, que vous avez un mode de vie normal, etc., que vous évitez de consommer de la drogue, il est possible que vous ne développiez jamais ces troubles.

Ces connaissances sont issues de la recherche sur le cancer du côlon. Si l’un de vos gènes vous prédispose au cancer, mais que vous disposez d’un bon environnement et d’un bon régime, vous ne développerez probablement pas de cancer. Si deux de vos gènes vous prédisposent au cancer du côlon, mais que vous êtes suffisamment prudents, vous développerez peut-être des polypes, lesquelles peuvent être dépistées et éliminées si vous effectuez une colonoscopie chaque année. Vous aurez suffisamment de chance pour que tout aille pour le mieux. Mais si vous avez une mauvaise alimentation et que vous ne consommez pas assez de fibres, vous finirez par développer un cancer du côlon. Enfin, si vous avez les trois gènes de prédisposition au cancer du côlon, quoi que vous fassiez, vous ne pourrez malheureusement pas l’éviter. Ce type d’interactions entre la génétique et l’environnement sont traitées par la médecine en général et pas seulement en psychiatrie. Tel est l’état de nos connaissances à ce jour.

-Serge Beaulieu, Ph.D., École Mini-Psy, 2009

 

Qui convient-il d’appeler lorsqu’une personne est prise d’accès maniaques? La police?

Cela dépend de son état. Si cette personne devient dangereuse pour elle-même ou pour les autres, vous devriez alors appeler la police. Et par police, j’entends ambulance et police. Le Code civil du Québec (article 26 à 30), les autorise à déclarer que, selon eux, une personne constitue un danger pour elle-même ou pour les autres. Ils ont le pouvoir de la forcer à aller à l’hôpital afin de subir un examen psychiatrique. Ils n’ont plus besoin qu’un juge intervienne pour cela. Le feront-ils? Non, par crainte des poursuites. Si le patient est connu d’un médecin, ils feront leur possible pour communiquer avec ce dernier. Je dois parfois insister lourdement pour qu’un agent de police m'amène un patient.

Dans les circonstances où il y a des zones grises, la famille, les amis ou une personne qui s’intéresse au patient, devront se rendre à un tribunal, une clinique communautaire ou un service de justice psychiatrique, où des psychologues et des travailleurs sociaux qui connaissent ce genre de situations, qui travaillent avec la police, sont en mesure d’intervenir, connaissent les procédures et vous demanderont de décrire le comportement dangereux. Vous obtiendrez une ordonnance du tribunal en vue d’une évaluation psychiatrique. La personne est ensuite tenue de se présenter.

Mais savez vous ce qui fonctionne le mieux? C’est la signature du patient. C’est ce que nous faisons en psychoéducation. Nous leur demandons de conclure un contrat avec une personne dont ils respectent le jugement. Cette dernière peut ensuite leur rappeler qu’ils ont signé ce contrat et qu’il est maintenant temps de se soumettre à une évaluation. La plupart du temps, si nous y parvenons, nous pouvons résoudre les choses sans trop de problème. Toutefois, s’ils sont réellement agités ou incontrôlables, qu’il n’y a pas de solution et qu’ils deviennent irritables ou violents, je pense qu’il n’y a pas d’autres options que de demander aux ambulanciers d’intervenir, malheureusement.

-Serge Beaulieu, Ph.D., École Mini-Psy, 2009
 

On a diagnostiqué chez une amie un trouble bipolaire II. Pourrait-il s'agir d'une erreur de diagnostic?

C'est possible. On voit parfois des gens recevoir un diagnostic de trouble bipolaire à cycle rapide, parce que leur humeur change constamment. Mais il arrive souvent que l'on confonde une volatilité émotive avec le trouble bipolaire. Une personne qui a des sautes d'humeur n'est pas nécessairement bipolaire. La personne qui vit des hauts et des bas peut le faire parce qu'elle voit tout de façon exagérée – en raison de son caractère histrionique, limite ou autre, ou à cause d'une anxiété extrême. Ces situations sont très différentes du trouble bipolaire, où les fluctuations d'humeur sont moins liées aux circonstances.

On constate parfois de l'hypomanie chez les gens qui prennent des antidépresseurs. Au moment où ils émergent de la dépression, leur humeur devient légèrement plus agitée qu'à la normale. Il arrive que les gens qui souffrent de dépression subissent des sautes d'humeur, selon leur réaction à leur milieu. Ce sont des gens très hyperactifs et sensibles.

La dépression peut aussi se combiner à certains des problèmes de personnalité dont nous avons parlé, lorsque des personnes sont très émotives et sensibles au rejet, qu'elles vivent de brusques élans et retraits amoureux, qu'elles sont très heureuses une journée et très malheureuses le lendemain. Cette combinaison peut ressembler à une condition bipolaire II, mais c'est plus probablement la combinaison d'une dépression et d'autre chose. La meilleure façon d'en juger est de prendre le temps de se familiariser avec les gens. D'habitude, les changements associés au trouble bipolaire II s'étendent sur une longue période, de façon répétitive. Si vos sautes d'humeur ont lieu en une journée, cela ne se compare pas à six mois de dépression, puis trois mois d'enthousiasme, comme ce que l'on voit plus souvent avec le trouble bipolaire.

-Mimi Israël, M.D.

Quels sont les risques qu'un enfant soit diagnostiqué bipolaire si un de ses parents est diagnostiqué bipolaire ?

La réponse est 10%

Est-il vrai que le fait d’être atteint de troubles bipolaires accroît le risque de développer la maladie d’Alzheimer?

Des épisodes répétés de dépression peuvent endommager le cerveau; cela l’affectera au point d’affaiblir votre capacité de concentration, etc. Cela est parfois dû au dosage des médicaments. Nous étudions également ce problème. Y a-t-il plus de risques de développer la maladie d’Alzheimer? Le chercheur Vasavan Nair de l’Institut Douglas y travaille depuis de nombreuses années et qu’il n’est pas du tout convaincu que cela soit le cas. Rien ne le prouve.

-Serge Beaulieu, Ph.D., École Mini-Psy, 2009

Quelles seraient les conséquences de diagnostiquer un patient atteint d’un trouble bipolaire comme ayant uniquement une dépression unipolaire?

Cela aurait pour conséquences de lui fournir un traitement qui ne produirait pas nécessairement de bons résultats. La difficulté tient également au fait que la dépression est un spectre et non un diagnostic tranché. Je rencontre de nombreux patients qui ont traversé cinq, six, sept, voire dix dépressions dans leur vie. Des cas graves, parfois traités au moyen d’électrochocs. Ils me sont ensuite référés parce qu’ils connaissent un nouvel épisode dépressif. Lorsque vous rencontrez de tels schémas, il faut vous demander ce que vous traitez : une dépression unipolaire ou une variante de dépression bipolaire? Cela signifie peut-être simplement que personne n’a remarqué ou pu prouver la présence de symptômes hypomaniaques ou maniaques auparavant.

-Serge Beaulieu, Ph.D., École Mini-Psy, 2009

Une fois que l’on a diagnostiqué un trouble bipolaire à un patient et qu‘on lui a administré les bons médicaments, à quel moment doit-on entamer une psychothérapie, une thérapie familial ou même commencer des séances de méditation?

Ce que je dis souvent à mes patients qui traversent une dépression est qu’il est très difficile d’entreprendre une psychothérapie alors qu'ils ne peuvent se concentrer. Ils sont fatigués ou manquent leurs rendez-vous. Nous préférons que les personnes soient au moins capables de coopérer au processus de la psychothérapie lorsque nous la démarrons.

En quoi consiste ce processus de psychothérapie? Il varie pour chaque individu et dépend du problème de chacun d’eux. Les troubles bipolaires varient d’une personne à l'autre. Ils dépendent de leur vécu, de leurs expériences et de toute sorte de choses. Nous devons parfois traiter un autre trouble. Un patient atteint d’un trouble bipolaire a 35 fois plus de chances de présenter des troubles anxieux ou un trouble obsessif compulsif pendant au moins un an de sa vie qu’un individu moyen. Parfois, nous rencontrons certaines personnes atteintes de troubles bipolaires et de troubles de stress post traumatique. Ils peuvent aussi être dépendants à la cocaïne, à l'alcool ou autre, et nous devons traiter tous ces troubles en même temps. On ne leur demande pas de régler d’abord leur problème d’alcoolisme et de revenir nous voir ensuite. Cette époque est révolue, nous ne procédons plus de la sorte. Nous traitons tous les troubles en même temps. Le temps est donc un aspect critique mais nous préférons avoir une sorte de stabilité avant de débuter la psychothérapie.

Nous faisons également de la psychoéducation. Les résultats obtenus au cours d’études se sont montrés satisfaisants et nous sollicitons actuellement des financements pour transférer ces techniques dans les CLSC. Nous pourrons ensuite concentrer nos efforts sur des démarches novatrices telles que la TCPC. Nous entreprendrons davantage de recherches et d’autres personnes bénéficieront de la psychoéducation. C’est notre objectif.

-Serge Beaulieu, Ph.D., École Mini-Psy, 2009

 

Existe-t-il une différence de prévalence des troubles bipolaires entre les différentes communautés ethniques?

Le trouble bipolaire est une maladie très démocratique. Je vois des patients arriver en Mercedes, d’autres à pieds ou à bicyclette, certains sont pauvres, d’autres multimillionnaires. Je vois autant de femmes que d’hommes, de toutes les cultures. Mais il existe des différences culturelles en ce qui a trait à l’interprétation et à la perception des comportements. Dans ce cas, nous nous adressons à la famille et aux amis. Même culture, même tradition et même points de référence. Facile.

-Serge Beaulieu, Ph.D., École Mini-Psy, 2009

Est-il vrai que la thérapie basée sur la pleine conscience et la méditation a été utilisée comme traitement contre les troubles bipolaires?

Zindel Segal est l’auteur d’ouvrages sur la thérapie basée sur la pleine conscience (mindfulness) et la méditation, et est l’un des trois auteurs à avoir mis au point cette technique. Kabat-Zinn est biologiste et la thérapie que nous utilisons au Douglas est fondée sur la technique qu’il a élaborée. Elle se nomme thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (TCPC). Elle s’inspire d’une étude réalisée par Zindel et ses collaborateurs qui a montré que la TCPC permet, chez des patients qui ont traversé trois épisodes dépressifs graves au cours de leur vie et qui les ont surmonté, de stabiliser leur état et de prévenir une rechute. Toutefois, cette thérapie ne fonctionne pas chez les patients qui n’ont connu qu’un seul épisode de dépression grave, c’est-à-dire qu’elle ne retardera pas l’apparition d’un nouvel épisode.

C'est la première fois que je vois une thérapie quasiment conçue pour des patients plus malades. C’est pour quoi nous concentrons nos recherches sur cette technique. Nous devons poursuivre notre travail et trouver des données pilotes sur la TCPC afin d’obtenir du financement. L’étude n’est pas réalisée en aveugle car il s’agit d’un projet pilote et nous souhaitons comprendre comment cette thérapie fonctionne, quels types de problèmes se posent, si les gens viennent à toutes les séances et s’ils appliquent les principes de la TCPC. Si nous obtenons le financement, l’étude devrait durer au moins quatre ou cinq ans pour réunir les données nécessaires pour vérifier l’efficacité du TCPC.

-Serge Beaulieu, Ph.D., École Mini-Psy, 2009
 

Que pensez-vous du potentiel du tryptophane pour traiter la dépression bipolaire?

Le tryptophane n’a pas fait l'objet d’études poussées en tant que traitement indépendant contre la dépression ou la dépression bipolaire, mais plutôt comme complément à des antidépresseurs et à d’autres agents en vue de stabiliser et d’améliorer l’humeur.

Simon Young de l’Université McGill a démontré qu’il était possible, en supprimant le tryptophane de l’alimentation des gens pendant 24 heures, de déclencher des symptômes dépressifs. Le trytophane joue donc un rôle évident dans ces modifications.

Aujourd’hui, le tryptophane nous est apporté par notre alimentation. Ainsi, en mangeant correctement - et sauf problème d’absorption des protéines et des acides aminés - votre système devrait disposer de suffisamment de tryptophane pour produire assez de sérotonine pour votre cerveau. Il serait par conséquent surprenant que le tryptophane serve seul de traitement contre la dépression. Toutefois, il peut être envisagé en complément.

-Serge Beaulieu, Ph.D., École Mini-Psy, 2009
 

Qu’est-ce que la psychoéducation et comment est-elle utilisée pour traiter les troubles bipolaires?

La psychoéducation consiste à responsabiliser le patient, à lui apprendre ce qu’est sa maladie ainsi que la manière dont il peut contribuer à améliorer son traitement. Lorsque l’on vous diagnostique un diabète par exemple, vous devez aller voir une infirmière qui vous apprendra à manger correctement, à contrôler le niveau de sucre dans votre sang, à vous injecter de l'insuline au besoin, etc. C’est de la psychoéducation et c’est le principe de traitement de tout trouble chronique.

Les troubles bipolaires sont des troubles chroniques. Nous sommes en mesure de traiter le premier épisode, le deuxième, etc., mais si vous ne suivez pas le traitement, ils réapparaîtront. Et les traitements ne sont pas non plus infaillibles. Les patients doivent donc pouvoir être capables de me dire : « Dr Beaulieu, nous devons nous voir parce que je ne me sens pas très bien ». Ils doivent être en mesure de s’apercevoir de cela pour eux-mêmes.

-Serge Beaulieu, Ph.D., École Mini-Psy, 2009

Une personne atteinte d'un trouble bipolaire pourra-t-elle cesser de prendre du lithium un jour?

Non, car cette personne risque de rechuter.  Il se peut qu'elle ne rechute pas, mais les études existantes montrent que la plupart des gens rechuteront.

-Joseph Rochford, École Mini-Psy 2009

Est-ce possible de déceler la bipolarité chez l’enfant et à partir de quel âge?

Des recherches ont révélé qu’avant l’âge de 16 ans, les maladies bipolaires sont assez rares. Cela ne veut pas dire que la maladie bipolaire chez les très jeunes n’existe pas. J’ai déjà vu un enfant de 11 ans qui présentait un tableau clairement maniaque. Aux États-Unis, il y a eu tout un courant de pensée dans les années 2000 qui prônait que les troubles bipolaires pouvaient survenir chez les 6 à 12 ans, surtout si les parents biologiques souffraient également de maladies affectives bipolaires. Nous devons faire très attention car il est difficile de déterminer si un enfant est atteint d’un trouble bipolaire, de dépression bipolaire ou d’un autre trouble mental.

L'autre problème est que le traitement de la maladie bipolaire repose sur le lithium. Or, le lithium occasionne beaucoup d’effets secondaires. Devrait-on mettre un enfant de 7 ou 8 ans sous une médication comme cela pour la vie?. On essaie donc de retarder la médication et on essaie de gérer autrement les difficultés.
- Johanne Renaud, M.D., École Mini Psy 2010

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