08-01-2008


Peut-on dire que l’aspect psychiatrique domine tellement la perception que l’on se fait d’une personne atteinte d’une maladie mentale que tout semble être réduit à cette seule dimension ?

Pourtant, ces personnes doivent endurer plus que leur part de problèmes physiques. Il ne manque pas d’études qui établissent l’existence d’une forte corrélation entre la maladie mentale et des carences en matière de santé physique. (Voir, entre autres, Goldman et al. 1999 : « Les patients atteints de maladie mentale présentent 30% plus de risque de maladie respiratoire que la population générale »).

Selon une étude portant sur plus de 4000 cas de patients atteints de troubles psychiatriques près de 50% d’entre eux présentaient une pathologie médicale active. Cette étude n’est certes pas la seule à établir un tel lien. L’incidence disproportionnée de problèmes physiques chez les patients atteints de maladie mentale constitue un problème de taille qu’aucun intervenant auprès des patients psychiatriques ne saurait ignorer.

Il y a bien des raisons qui expliquent un plus haut taux de morbidité chez les patients atteints de maladie mentale par rapport à la population générale. Il y en a qui sont évidentes; d’autres le sont moins. Par exemple, un individu atteint de schizophrénie peut avoir de la difficulté à exprimer son malaise et parfois, (compte tenu d’une diminution du seuil de la douleur rapportée dans certaines études ou à cause de difficultés de perception) peut même négliger d’exprimer sa douleur ou ses symptômes.

Par ailleurs, même lorsqu’un tel patient exprime suffisamment un malaise quelconque, il n’est pas toujours évident que l’intervenant médical accordera toute l’attention requise à ce qui lui est rapporté. L’influence négative de l’antécédent psychiatrique n’est pas un facteur anodin dans la dispensation des soins médicaux fournis aux patients psychiatriques. L’intervenant médical doit être à l’affût de tout préjugé personnel qui pourrait avoir une influence adverse sur la prise de décision clinique dans le diagnostic et le traitement des problèmes physiques se présentant chez les patients atteints d’une maladie mentale.

Cela reste bien vrai dans les mesures de dépistage ou de prévention dont peuvent bénéficier de tels patients. En général, aucun intervenant médical ne dirait à une patiente psychiatrique que sa condition mentale est telle qu’il ne saurait y avoir de justification pour un traitement agressif de son cancer du sein.

Pourtant plusieurs études portant sur la différence de qualité de soins dispensés aux patients psychiatriques en comparaison avec la population en général montrent bien que la réalité n’est pas toujours favorable pour les patients atteints de troubles mentaux (Étude de Druss et Al., 2000 : « Les patients recevant des soins pour des maladies cardiovasculaires avaient moins de chance de recevoir un traitement agressif lorsqu’ils avaient un diagnostic concomitant de maladie mentale. »

Il est important, par ailleurs, de retenir que des facteurs de risque comme le tabagisme, l’alcoolisme, les comportements sexuels à risque, la consommation de drogues et l’obésité affectent la population psychiatrique de façon disproportionnée. Pour ne citer que ces seuls exemples, il y a un fort taux de tabagisme (88%) chez les personnes atteintes de schizophrénie ainsi que chez celles souffrant de maladie bipolaire (70%).

Le fait de connaître l’existence de ces problèmes devrait inciter les intervenants en milieu psychiatrique à mettre des mesures en place afin de favoriser la prévention autant que possible. Il y a certes des difficultés inhérentes au milieu lorsque de telles mesures doivent être appliquées. L’obtention d’un consentement valide et éclairé, la motivation et l’adhérence au programme établi sont quelques-uns des obstacles qui peuvent être rencontrés lors de l’implantation des projets de prévention visant à réduire les facteurs de risque chez les patients atteints de maladie mentale.




Actuellement, de plus en plus d’établissements offrant des soins psychiatriques implantent des cliniques ‘’wellness’’, « action santé », ou de « santé globale »qui sont en réalité des cliniques spécifiques pour le suivi de l'obésité, du diabète ou pré-diabète, des problèmes de cholestérol ou de la pression artérielle chez les personnes affectées par la maladie mentale et qui présentent ces troubles.

De plus, des interventions préventives ont été également mises en place pour augmenter la motivation des patients atteints de maladie mentale dans le but de modifier les habitudes de vie qui augmentent le risque de maladies cardio ou cérébrovasculaires.

Il ne saurait y avoir de hiérarchie dans la dispensation des soins de santé, du moins en ce qui concerne les catégories de patients à desservir autre que celle de l’urgence de traiter. S’il est clair et établi que le patient atteint d’une maladie mentale a droit autant qu’un autre aux meilleurs soins disponibles, chaque intervenant médical devra faire sien ce principe afin de rendre disponible la qualité de soins auxquels ces patients ont droit. Il est démontré que le rétablissement en santé mentale est un long processus et chaque année de vie compte pour les personnes atteintes d’une maladie mentale. Pour cette seule raison et bien d’autres, ces personnes sont en droit de s’attendre à la même qualité de prestations de service que n’importe quel autre de ses concitoyens.

Willine R. Rozefort, M.D. M.Sc. CCFP FCFP
Chef du Département de médecine générale
Institut universitaire en santé mentale Douglas