01-06-2013
Certains traumatismes subis durant la petite enfance peuvent accroître le risque de maladie mentale à l’âge adulte. Des chercheurs de l’Hôpital universitaire de la Charité de Berlin, en Allemagne, et de l’Université McGill, à Montréal, ont découvert un mécanisme neurologique à l’origine de ce phénomène. Les résultats de leur étude, publiés dans la plus récente édition de l’American Journal of Psychiatry, révèlent qu’il se produit des changements au niveau de l’architecture du cerveau chez les enfants victimes de sévices sexuels ou émotionnels qui reflètent la nature de la maltraitance.
Les jeunes victimes de mauvais traitements ou de sévices sexuels souffrent souvent de troubles psychiatriques graves et de dysfonction sexuelle, mais les mécanismes sous-jacents à cette association n’ont pas encore été clairement élucidés. Un groupe de scientifiques dirigé par la professeure Christine Heim, directrice de l’Institut de psychologie médicale de l’Hôpital universitaire de la Charité de Berlin, et par le professeur Jens Pruessner, directeur du Centre d’études sur le vieillissement de l’Université McGill, a fait appel à l’imagerie par résonance magnétique pour examiner 51 femmes adultes victimes de diverses formes de mauvais traitements pendant l’enfance. Les scientifiques ont mesuré l’épaisseur de leur cortex cérébral, structure responsable du traitement de toutes les sensations.
Les résultats ont montré qu’il existe une corrélation entre certaines formes de sévices et l’amincissement du cortex, précisément dans les régions du cerveau qui interviennent dans la perception de l’abus ou le traitement de l’information qui y est associé.
«L’importance de l’effet et le fait que le type d’abus correspondent à une région précise du cerveau est remarquable,» souligne le professeur Pruessner, également professeur associé, Institut Douglas. Ainsi, le cortex somatosensoriel dans les régions du cerveau correspondant aux organes génitaux féminins était considérablement plus mince chez les femmes victimes de sévices sexuels pendant l’enfance. En revanche, le cortex cérébral des femmes victimes d’abus émotionnels était plus mince dans les régions associées à la conscience de soi et à la régulation émotionnelle.
« Nos données semblent révéler l’existence d’un lien précis entre la plasticité neuronale dépendante de l’expérience et certains problèmes de santé plus tard dans la vie », affirme la professeure Heim. « L’ampleur de l’effet et la spécificité régionale cérébrale correspondant au type d’abus sont remarquables », ajoute le professeur Pruessner. Les scientifiques ont émis l’hypothèse selon laquelle l’amincissement de certaines régions du cortex cérébral pourrait résulter de l’activité des circuits inhibiteurs, que l’on peut interpréter comme un mécanisme de protection du cerveau permettant à l’enfant d’occulter l’expérience initiale, mais susceptible d’entraîner des problèmes de santé plus tard dans la vie. Ces résultats concordent avec les données de la littérature générale sur la plasticité neuronale et montrent que les champs de la représentation corticale sont parfois plus petits à la suite de certaines expériences sensorielles éprouvantes. L’étude a été menée conjointement avec Helen Mayberg de l’Université Emory, Atlanta, Georgia ainsi qu’avec Charles Nemeroff de l’Université de Miami, Floride.
Renseignements
Jens Pruessner
Chercheur, Institut Douglas
Directeur du Centre d’études sur le vieillissement de l’Université McGill
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